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Une nouvelle

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Chères plumes,

Aujourd’hui, j’aimerais partager avec vous une nouvelle qui m’a beaucoup plue. Il s’agit de « Quand Angèle fut seule… » de Pascal Mérigeau, écrite en 1983.

Si je vous la propose ici, c’est parce que samedi dernier je vous ai parlé du concours de nouvelles qui venait d’être lancé, et dont le sujet est : « Un si petit détail ». Après lecture de la nouvelle ci-après, trouvez-vous qu’elle puisse correspondre au sujet ? Pour ma part, je pense que oui. C’est pourquoi, je vous propose de vous en inspirer, si besoin, pour écrire votre propre nouvelle à chute, à partir de ce sujet énigmatique : Un si petit détail… Ou alors, de simplement la lire, l’apprécier ou non, et d’écrire la vôtre sans aucun lien avec celle- ci ! Personnellement, je crois que, l’ayant laissée infuser dans mon esprit durant quelques jours, elle a participé d’une manière ou d’une autre au choix du thème de ma nouvelle. J’ai hâte de vous en dire plus, mais auparavant, il faut que je l’écrive ! Elle commence à prendre forme dans ma tête, c’est bien, mais il reste du travail pour qu’elle devienne manuscrit.

Bonne lecture ! Surtout, n’hésitez pas à me dire ce que vous pensez de cela, en commentaire ou par mail.

Quand Angèle fut seule…

« Bien sûr, tout n’avait pas toujours marché comme elle l’aurait souhaité pendant toutes ces années ; mais tout de même, cela lui faisait drôle de se retrouver seule, assise à la grande table en bois. On lui avait pourtant souvent dit que c’était là le moment le plus pénible, le retour du cimetière. Tout s’était bien passé, tout se passe toujours bien d’ailleurs. L’église était pleine. Au cimetière, il lui avait fallu se faire embrasser par tout le village. Jusqu’à la vieille Thibault qui était là, elle qu’on n’avait pas vue depuis un an au moins. Depuis l’enterrement d’Émilie Martin en fait. Et encore, y était-elle seulement, à l’enterrement d’Émilie Martin ?

Impossible de se souvenir. Par contre, Angèle aurait sans doute pu citer le nom de tous ceux qui étaient là aujourd’hui. André, par exemple, qui lui faisait tourner la tête, au bal, il y a bien quarante ans de cela. C’était avant que n’arrive Baptiste. Baptiste et ses yeux bleus, Baptiste et ses chemises à fleurs, Baptiste et sa vieille bouffarde, qu’il disait tenir de son père, qui lui-même… En fait ce qui lui avait déplu aujourd’hui, ç’avait été de tomber nez à nez avec Germaine Richard, à la sortie du cimetière. Celle-là, à soixante ans passés, elle avait toujours l’air d’une catin. Qu’elle était d’ailleurs.

Angèle se leva. Tout cela était bien fini maintenant. Il fallait que la mort quitte la maison. Les bougies tout d’abord. Et puis les chaises, serrées en rang d’oignon le long du lit. Ensuite, le balai. Un coup d’œil au jardin en passant. Non, décidément, il n’était plus là, penché sur ses semis, essayant pour la troisième fois de la journée de voir si les radis venaient bien. Il n’était pas non plus là-bas, sous les saules. Ni même sous le pommier, emplissant un panier. Vraiment, tout s’était passé très vite, depuis le jour où en se réveillant, il lui avait dit que son ulcère recommençait à le taquiner. Il y était pourtant habitué, depuis le temps. Tout de même, il avait bientôt fallu faire venir le médecin. Mais celui, il le connaissait trop bien pour s’inquiéter vraiment. D’ailleurs, Baptiste se sentait déjà un peu mieux… Trois semaines plus tard, il faisait jurer à Angèle qu’elle ne les laisserait pas l’emmener à l’hôpital. Le médecin était revenu. Il ne comprenait pas. Rien à faire, Baptiste, tordu de douleur sur son lit, soutenait qu’il allait mieux, que demain, sans doute, tout cela serait déjà oublié. Mais, quand il était seul avec elle, il lui disait qu’il ne voulait pas mourir à l’hôpital. Il savait que c’était la fin, il avait fait son temps. La preuve, d’autres, plus jeunes, étaient partis avant lui… Il aurait seulement bien voulu tenir jusqu’à la Saint-Jean. Mais cela, il ne le disait pas. Angèle le savait, et cela lui suffisait. La Saint-Jean il ne l’avait pas vue cette année. Le curé était arrivé au soir, Baptiste était mort au petit jour. Le mal qui lui sciait le corps en deux avait triomphé. C’était normal.

Angèle ne l’avait pas entendue arriver. Cécile, après s’être changée, était venue voir si elle n’avait besoin de rien. De quoi aurait-elle pu voir besoin ? Angèle la fit asseoir. Elles parlèrent. Enfin, Cécile parla. De l’enterrement bien sûr, des larmes de quelques-uns, du chagrin de tous. Angèle l’entendait à peine.

Baptiste et elle n’étaient jamais sortis de Sainte-Croix, et elle le regrettait un peu. Elle aurait surtout bien aimé aller à Lourdes. Elle avait dû se contenter de processions télévisées. Elle l’avait aimé son Baptiste dès le début, ou presque. Pendant les premières années de leur mariage elle l’accompagnait aux champs pour lui donner la main. Mais depuis bien longtemps, elle n’en avait plus la force. Alors elle l’attendait veillant à ce que le café soit toujours chaud, sans jamais être bouillant.

Elle avait appris à le surveiller du coin de l’œil, levant à peine le nez de son ouvrage. Et puis, pas besoin de montre. Elle savait quand il lui fallait aller nourrir les volailles, préparer le dîner. Elle savait quand Baptiste rentrait. Souvent Cécile venait lui tenir compagnie. Elle apportait sa couture, et en même temps les dernières nouvelles du village. C’est ainsi qu’un jour elle lui dit, sur le ton de la conversation bien sûr, qu’il lui semblait bien avoir aperçu Baptiste discutant avec Germaine Richard, près de la vigne. Plusieurs fois au cours des mois qui suivirent, Cécile fit quelques autres  » discrètes  » allusions. Puis elle n’en parla plus. Mais alors Angèle savait. Elle ne disait rien. Peu à peu elle s’était habituée. Sans même avoir eu à y réfléchir, elle avait décidé de ne jamais en parler à Baptiste, ni à personne. C’était sa dignité. Cela avait duré jusqu’à ce que Baptiste tombe malade pour ne plus jamais se relever. Cela avait duré près de vingt ans. Son seul regret, disait-elle parfois, était de n’avoir pas eu d’enfants. Elle ne mentait pas. Encore une raison de détester la Germaine Richard d’ailleurs, car elle, elle avait un fils, né peu de temps après la mort de son père; Edmond Richard, un colosse aux yeux et aux cheveux noirs avait été emporté en quelques semaines par un mal terrible, dont personne n’avait jamais rien su. Le fils Richard, on ne le connaissait pas à Sainte-Croix. Il avait été élevé par une tante, à Angers. Un jour cependant, c’était juste avant que Baptiste ne tombe malade, il était venu voir sa mère. Cécile était là, bien sûr, puisque Cécile est toujours là où il se passe quelque chose. Elle lui avait trouvé un air niais, avec ses grands yeux bleus délavés. Angèle en avait semblé toute retournée.

Cécile était partie maintenant. La nuit était tombée. Angèle fit un peu de vaisselle. Elle lava quelques tasses, puis la vieille cafetière blanche, maintenant inutile, puisqu’Angèle ne buvait jamais de café. Elle la rangea tout en haut du bahut. Sous l’évier, elle prit quelques vieux pots à confiture vides. À quoi bon faire des confitures, elle en avait un plein buffet. Elle prit également quelques torchons, un paquet de mort-aux-rats aux trois-quarts vide, et s’en alla mettre le tout aux ordures. Il y avait bien vingt ans qu’on n’avait pas vu un rat dans la maison. »

Pascal Mérigeau, 1983

Cet article a 3 commentaires

  1. Shervin

    Bonjour,
    Je viens de voir cet article. Je suis inscrit à des cours en ligne et j’ai, notamment, suivi un cours sur le récit policier. Alors, c’est marrant, parce qu’on avait dû lire cette nouvelle et il y avait un petit qcm (un peu simplet) et un devoir à effectuer. J’avais fait un sans faute. Je les poste ci-dessous. Et, pour répondre à ta question, oui, je trouve que cette nouvelle répond parfaitement aux critères du concours de nouvelles de cette année. J’ai hâte de lire la tienne en tout cas, Sophie.

    Je voulais aussi vous envoyer le schéma narratif d’un récit policier (énigme criminel), mais je n’arrive pas à le coller ici… Comment faire ?

    A bientôt,
    Shervin

    Question 1
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    Texte de la question
    Edmond Richard est le fils de André et Germaine Richard.
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    La réponse correcte est « Faux ».
    Question 2
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    Texte de la question
    C’est la vieille Thibault qui a assassiné Baptiste.
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    La réponse correcte est « Faux ».
    Question 3
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    Texte de la question
    L’arme du crime est la mort-aux-rats.
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    Question 4
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    Texte de la question
    Baptiste a été empoisonné.
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    La réponse correcte est « Vrai ».
    Question 5
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    Texte de la question
    Baptiste avait de beaux yeux verts.
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    La réponse correcte est « Faux ».
    Question 6
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    Texte de la question
    Baptiste est mort d’un ulcère à l’estomac?
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    La réponse correcte est « Faux ».
    Question 7
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    Note de 1,00 sur 1,00
    Texte de la question
    Germaine avait une relation avec André. Baptiste avait tout découvert.
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    La réponse correcte est « Faux ».
    Question 8
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    Texte de la question
    Edmond Richard est le fils caché de Baptiste. Le mobile est la jalousie.
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    La réponse correcte est « Vrai ».
    Question 9
    Correct
    Note de 1,00 sur 1,00
    Texte de la question
    Angèle a tué son mari.
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    Vrai
    Faux
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    La réponse correcte est « Vrai ».

    Rédige le résumé de cette nouvelle. Utilise les étapes du schéma narratif. Utilise le présent de l’indicatif.

    Angèle, une vieille dame, mène une existence calme et sans histoire avec son mari Baptiste, dans le village de Sainte-Croix. Elle ne sort pas beaucoup, et sa seule véritable fréquentation est Cécile, qui lui rapporte les dernières nouvelles.
    Un jour, celle-ci lui dit avoir vu Baptiste avec Germaine Richard, une veuve. Puis, elle fait quelques autres allusions au cours des mois suivants. Angèle comprend que son mari entretient une relation, mais se tait, par dignité, pendant près de vingt ans.
    Puis, récemment, Cécile lui apprend avoir vu le fils de Germaine, qui a été élevé loin de Sainte-Croix. Il s’agit d’un jeune homme aux yeux bleus, comme ceux de Baptiste, alors que le mari défunt de Germaine avait les yeux noirs. Angèle en déduit qu’il s’agit du fruit de la liaison de son époux et de Germaine. Pour elle, qui n’a jamais réussi à avoir d’enfant, c’en est trop, et elle semble bouleversée.
    Peu de temps après, Baptiste tombe malade ; pensant qu’il s’agit de son ulcère, le médecin se montre rassurant. Puis, trois semaines plus tard, les douleurs reviennent de manière foudroyante et le médecin n’y comprend rien. Le lendemain matin, Baptiste est mort.
    Après l’enterrement au cimetière, Angèle revient chez elle, doit faire face à sa solitude nouvelle et se remémore le passé, avant de faire le ménage. Elle décide de jeter des objets dont elle n’a plus besoin, y compris une boîte de mort-aux-rats presque vide, bien qu’il n’y ait pas eu un rat dans leur maison depuis au moins vingt ans… C’est alors que le lecteur comprend qu’Angèle a assassiné son mari par jalousie.
    D’ailleurs, cette mort n’est pas sans rappeler le « mal terrible » qui a terrassé en quelques semaines le mari de Germaine. Peut-être ce dernier a-t-il également été empoisonné, mais par son épouse ?

    1. cabane_admin

      Merci Shervin. Je ne sais pas comment tu peux faire pour envoyer le shéma narratif d’un récit policier mais ça m’intéresse ! Peut-être peux tu l’envoyer sur notre mail et on le publiera pour toi ?

  2. Shervin

    D’accord, je vais essayer de te l’envoyer ce soir, Sophie. 🙂

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