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Les textes de Frédérique L-D.

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Lettre d’amour à mon petit déjeuner

Cher café du matin ! Cher ami, cher compagnon…

Depuis que je t’ai quitté, ou plutôt lâchement abandonné, tu me manques affreusement.

Tu penses certainement que j’ai fait cela à la légère : que j’ai suivi un conseil, une prescription, ou pire, une mode ! Sache qu’il n’en n’est rien ! Seule la raison m’a commandé cette rupture, et tu dois savoir que rien ne te remplacera . Honnêtement, je te l’avoue, j’ai bien essayé de te tromper avec du thé de Ceylan, mais vraiment cette cohabitation, pour être franche, a été de courte durée, car il était trop  difficile de sortir de sous la couette avec un horizon si plat. Un amant de passage fut japonais, mais le thé vert, le matin, me sert une frimousse pâlichonne à l’haleine âcre, que je déteste. J’ai même risqué le coup avec un Matcha fraîchement parachuté au retour d’un voyage en Asie : il sentait encore le nénuphar et traînait un goût de vase, auquel je n’ai pu m’adapter….  Alors j’ai fait le tour du monde* et me suis momentanément laissée séduire par un beau noir, musclé, charpenté… J’en suis là actuellement… Certains matins je m’en contente… mais… tu me manques à un point…  et tu t’en doutes, mon désarroi est d’autant plus cruel que, si tu t’en souviens, toi et moi, le matin, nous étions seuls. Pas de trouble-fête à notre tête-à-tête. Non, juste toi et moi, chacun partageant l’exclusivité de l’autre… si délicieusement. Tu étais le seul et l’irremplaçable, mon compagnon de réveil des mauvaises nuits et celui dont je savais qu’il me permettrait de veiller jusque tard le soir pour me noyer ensuite dans les romans les plus envoûtants… jusqu’au matin suivant où je te retrouvais, et nous repartions pour une nouvelle journée effrénée. Tous les substituts essayés pour faire office de compagnonnage aux petites heures du jour sont d’un ennui… si tu savais… quand ils ne sont pas tout bonnement soporifiques … !

Maintenant que je suis privée de toi, je repense souvent à ce bistro où nous nous retrouvions le matin avant d’aller en cours, au lycée. C’est là que je t’ai découvert, que j’ai commencé à te fréquenter pour ne plus jamais réussir à me séparer longtemps de toi. Déjà sur les courtes périodes de congés ou de voyages où je ne t’emmenais pas, tu me manquais, et débuter quoi que ce soit sans toi était une corvée. Mais c’était temporaire… Maintenant que les distances sont posées, hélas … te voir m’emplit de nostalgie : ai-je assez dégusté chaque instant partagé ? N’ai-je pas été … trop vite , … trop souvent ?

L’habitude pourtant, sois-en certain, n’a jamais entraîné de lassitude de ma part.

Je t’ai quitté alors que je t’aimais, toujours et passionnément.

 

À jamais, ton affectionnée,

 

 

Le narrateur écrit une lettre de rupture et explique toutes les raisons de son départ

 

Tu sais que je te revois, souvent, trop souvent… Sache que cela me fait toujours vibrer. J’ai toujours envie de bondir vers toi, envie de te saisir, de partager ces moments de complicité que nous échangions sans compter…

L’abstinence que je me suis infligée à ton égard mérite explication. Car si tu me manques, je dois te manquer aussi un peu… nous étions si complices, si garants l’un de l’autre dans tous les moments de la vie… Combien de fois ne m’as-tu pas soutenue lorsque mon énergie flanchait ? Combien de fois n’as-tu pas partagé les déjeuners que j’annonçais sauter pour gagner du temps… Tu étais partie intégrante de ma vie, tu étais mon moteur et mon point cardinal dès le lever du matin. Je t’adorais. Jusqu’à ce que je me rende compte que tu m’avais envoûtée, domptée, phagocytée de l’intérieur et même dévorée.

Je n’étais pas consciente que, de jour en jour, j’acceptais de plus en plus que tu m’envahisses et remplaces progressivement les autres fréquentations de mes temps de pause et de repas. Tu étais là tout le temps, en permanence… et bien que je t’aie adoré, Ô combien… j’ai fini par te haïr !

Alors, bien sûr, tu n’es pas responsable de tout, mais tu as contribué, par la fréquentation exclusive que tu m’imposais, tu as contribué, oui, à aggraver le tableau.

Dieu sait pourtant que des amis m’avaient prévenue : « il t’est toxique, regarde-toi ! ». Mais je ne les ai pas écoutés. Nous étions si fusionnels… quel mal aurais-tu pu vouloir me faire ?

Alors effectivement, j’ai fini par te haïr, lorsque je me suis rendue compte que sans toi, j’étais flapie, sans énergie, sans carburant. J’avais coulé une bielle. J’ai mis des mois à me remettre lentement en forme, à ne plus chroniquement te désirer. J’ai encore mis des années à t’écrire, et même aujourd’hui, je ne l’ai fait que parce que Pauline & Sophie m’y ont poussée.

Mais sois tranquille, je ne te hais plus. Je suis parfois même contente de te croiser à nouveau, même si je sais qu’il ne faut pas que cela soit trop fréquent, tant ton influence a laissé son empreinte en moi, tant je retrouve facilement l’envie de renouveler nos rencontres, dès que je sens ton odeur, et ce pétillement que j’ai toujours affectionné annonçant le rafraîchissant glouglou de ta couleur café.

Je ne te hais plus, mais je garde désormais mes distances. Ne m’en veux pas. Tu étais ma faiblesse et si je veux tenir debout, il faut que tu restes hors de ma vue.

J’en suis désolée.

Adieu ma petite cannette rouge !

 

*En évitant le Brésil, la Colombie, le Kenya… et de manière générale les pays où je te savais parader.

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